Le poème se compose de 14 strophes. Chacune se termine par un ou plusieurs mots emprunté(s) à la prière liturgique accompagnant le rituel catholique de la messe des morts dont voici le texte latin et sa traduction :
   «  Libera-me, Domine, de morte aeterna, in die illa tremenda, quando coeli movendi sunt et terra,  Dum veneris judicare saeculum per ignem. » «  Libère-moi, Seigneur de la mort éternelle, en ce jour redoutable où le ciel et la terre seront ébranlés, quand tu viendras éprouver le monde par le feu. »
   L’œuvre  est attribuée à Etienne Dolet, porte-parole des prisonniers dont beaucoup, en tant qu’hérétiques luthériens ou calvinistes étaient menacés de mort. Il exprime leur misère matérielle et morale,  leur timide espoir de libération et leur confiance en la pitié de leur Dieu. L’humaniste partageait leur sort misérable : enfermé depuis septembre 1544, il ne quittera la Conciergerie le 3 août 1546 que pour le bûcher de la place Maubert.
   C’est René Sturel, jeune agrégé de l’Université, mort en août 1914 sur le front, qui a publié le Libera-me le premier, semble-t-il, en 1913, à partir d’un document de la bibliothèque de Soissons, précisant que des poèmes analogues sont nombreux dans Le chansonnier huguenot. Le Libera n’avait sans doute pas cessé de circuler, sous le manteau. Une preuve nous en est apportée par le texte manuscrit dont nous  donnons une image partielle, ci-dessus.
   Notre ami Jean Claude D. a découvert ce document (MS 3607 – Bibliothèque Mazarine) dans un livre ayant appartenu à un lyonnais que connaissait Dolet (1), Benoît Lecourt, juriste, homme d’Eglise et familier de la Sodalitium lugdunense (société savante  lyonnaise, groupée autour de Dolet). Le texte manuscrit, a été  rajouté plus tard, on ne sait quand,  par un autre propriétaire du livre de Lecourt, sur des pages vierges, à partir du feuillet   CCXXXIII , soit 233).
 
(1) Sous son nom latinisé, Benedicti  Curtij Symphoriani, Dom,  Lecourt a écrit une épitaphe latine du Dauphin François, mort au château de Tournon. Dolet l’édita dans son «  Recueil de vers … composés sur le trespas de feu Monsieur le Dauphin », chez Fr. Juste en 1536.   
C’est du ciel que nous attendons
Fin de tout mal et vray secours.
Seigneur, tu es notre recours ;
A toi nous nous recommandons.
Dum veneris.
 
Ne veuille selon nostre faulte
Pugnyr nos pechez et forfaictz ;
Car ainsi nous serions deffaictz
Vueille nous par ta bonté haulte
Judicare.
 
Quand ta promesse je recolle,
Je sçay que fayz à tous mercy,
Et si l’as faict toujours ainsi.
Juge donc selon ta parolle
Seculum.
 
Ainsi avec toy l’on trespasse :
A paix, repos, joye et salut
Nous serons quand viendra au but,
Et n’y aura aulcun qui passe
Per ignem.
C’est à toi que ma voix s’adresse,
O éternel qui tout régis
Tu sçais les maulx de ce logis
Par quoy, je crye à toi sans cesse
Libera-me
 
Nos juges le pourraient bien faire,
Mais leur longueur est excessive ;
Ta bonsté est bien plus hastive,
Quand tu prends en mains quelque affaire
Domine.
 
Hélas ! nous n’avons nul  repos ;
Tous nos esbatz ce sont regretz,
Gémissements, soupirs aigretz,
Le plus souvent tenans propots
De morte.
 
Vermine à tas,  pulces et poulz,
Ordure et putréfaction,
Rongne, gratelle, infection,
Dedans ce lieu sont avec nous
Aeterna.  […]
La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°31 - fév 2017
 

LE DIXAIN INEDIT DE L'AVOCAT
 

Ce  petit poème a été  trouvé, par Jean Claude D., « dans le ms Godefroy 536 qui se trouve à la Bibliothèque de l’Institut de France. Ce manuscrit contient au folio 23 un dixain, signé « Estienne Dolet » comme l’indique la description physique, consultée sur le site www.calames.abes.fr. »
Plusieurs chercheurs consultés n’ont pu nous dire pour qui et à quelle date le dixain a été écrit.  Manifestement, Dolet avait eu besoin d’un habile avocat pour plaider sa cause. 
Que ne l’avons-nous  eu auprès de M. Collomb !
 
Ta plume est telle et pour telle tenue,
Qu’il n’en est poinct de telle en eloquence,
Soit en discours, d’une grace obtenue
Ou autre cas d’aussi grande importance.
Si donc ta plume est de telle excellence,
Je ne te dois requerir autrement
De bien dresser mon cas correctement,
Car en cela tu es plus que perfaict,
Mais je te prie affectueusement
Que le plutost que pourras il soit faict.
Estienne Dolet […]
La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°31 - fév 2017
 

LIBERA ME
 












« Libera-me des  prisonniers de la Conciergerie
du palais à Paris  fait par Etienne Dolet,
prisonnier, en l’an 1545 » ( page 233)
 
 
 
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°23 - mai 2014
 

VIE DE L'ASSOCIATION
 


         ANTHOLOGIE
 
Question : Pourquoi n’est-il plus question de l’anthologie des Œuvres de Dolet ? Ce projet est-il abandonné ?
 
Réponse : Le manuscrit est réalisé à 90 %, mais son édition pose des problèmes financiers, à son tour, puisque pour beaucoup de pages, essentiellement des traductions, mais aussi des illustrations,  il faudra s’acquitter du paiement de copyrights aux éditeurs, ou même à la BNF. Il paraît préférable de réserver, pour l’instant,  notre pécule – qui s’élève à 5 000 euros – au paiement de  notre part  dans la réalisation de la fresque du « Banquet des Humanistes ». 
 

----------
 


ETIENNE DOLET VIVANT : Groupe facebook
 
C’est le nom de la page Facebook du groupe créé pour aider à la campagne de la fresque.
 
On y retrouve déjà les protecteurs de Dolet comme François Ier et sa soeur Marguerite de Navarre. 
On peut  y écouter une déclaration  de M . Képénékian après son élection.
A présent que la campagne de la fresque est relancée, les publications sur la page vont se multiplier. Visionnez et partagez.
La prochaine sera celle du peintre en équilibre instable sur son escabeau.
 
Envoyez vos propositions de publications  directement sur la page du groupe ou sur Facebook Marcel Picquier.
 

----------
 

Dolet s’est fait faire des cartes de visite – vous pouvez ainsi disposer de toutes les coordonnées.
 
















Le site WWW.amis-etienne-dolet.com  demeure le site des références de l’association, avec les interventions et bulletins.
 
P.S. Si vous ne possédez pas les numéros anciens de La Doloire, vous pouvez les retrouver en un clic sur le site
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
------------------------------------------------------------------------------
 
"LA MANIERE DE BIEN TRADUIRE D'UNE LANGUE EN AULTRE"
- Lyon 1540 -
 

  les 5 règles
Son projet sera retenu et en 1885 la municipalité de Paris ouvrira un concours accordant 11 000 F au lauréat  pour l’exécution et la fonte de la statue. Entre temps, s’étonnant des lenteurs administratives, quatre membres de la Société de la Libre Pensée du 5ème arrondissement résolurent de profiter de la fête du 14 juillet 1884 pour installer sur la place Maubert une statue en plâtre représentant Dolet sur son bûcher. Ce qui fut réalisé, comme on le voit sur notre illustration. Non sans peine, la statue faisait 1500 kg. « Le piédestal, poursuit le journal, était constitué par un amoncellement de bois et sans doute pour venger la victime de l’Inquisition les membres de la commission employèrent en grande partie des bois de démolition provenant du couvent de la rue des Bernardins. […]Dans la journée du 14 juillet, des discours furent prononcés, et le soir des feux de Bengale furent allumés alentour. » 
 
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n° 7 - 4 juin 2005
 


A Jean de Tournes et Vincent Pillet , ses compagnons de beuverie
Ad Joannem Turnaeum et Vincentum Piletum, combobinos suos ( carmen XXXVI – édition de 1538)
 

A Bacchus , invitation
 

Où que tu sois, Bacchus, porte tes pas vers nous,
Escorté de toutes les Grâces.
Les tristes tracas s’enfuiront ,
Devant la Majesté de ta Divinité,
Les tracas s’enfuiront
Etrangers aux festins comme à nos beuveries.
Quand les  chants retentissent
Dans la maison, parmi les danses et les jeux,
Que s’éloignent de nous les visages sévères
Et les fronts solennels !
Que les braves combattent
Rasade après rasade une coupe à la main.
En ce jour qui t’appartient
Inspire-nous pour rejeter
Les conseils de prudence et de sobriété
Pour  que chacun   s’abandonne au délire
Et  se noie  dans la joie de la boisson .
Dieu du vin, sans toi, point de fête !
Porte tes pas vers nous,
Afin que nous enflamme ta sublime présence.
Te voilà, Bacchus, notre Père,
Nous allons t’offrir des chevreaux,
Et célébrer tes Bacchanales.
Que le vin, ton breuvage, engendre le génie,
Nous allons le prouver sans nulle tricherie.
 

Jean de Tournes (1504-1564) : apprit le métier d’imprimeur chez Gryphe avant de fonder en 1540 une dynastie d’imprimeurs.
 
Vincent Pillet , compagnon imprimeur, un des délégués des ouvriers imprimeurs en grève en 1539 dont Dolet aurait pris le parti.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n° 7 - 4 juin 2005
 


Extrait du premier des « Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore »,
conte attribué à Etienne Dolet
 



présentation :
 
Une très belle jeune femme – Rosemonde – a été mariée de force , à l’âge de quinze ans – c’est « l’impareil mariage » dénoncé dans les « Comptes amoureux »  - à un vieux barbon répugnant et impuissant , Pyralius , qui la retient  prisonnière dans son « Château Jaloux », gardé par des géants et des monstres.
La jeune femme supplie la déesse « Sainte Vénus » et son fils « Saint Amour » de la délivrer. L’Amour frappe de ses traits enflammés le cœur de Rosemonde et celui d’un jeune et beau chevalier – Andro,.  Le chevalier, fort de sa dévotion à Madame Vénus et avec l’aide d’Apollon et d’Hercule , renverse tous les obstacles et possède bientôt Rosemonde tandis que le vieux jaloux ira se pendre de dépit.
Le conte est signé de Dolet doublement .Le chevalier Andro est présenté comme un lyonnais et porte le nom d’un étudiant de Toulouse, décédé en 1533,  pour lequel Dolet avait écrit une double épitaphe.  Et le personnage de Pyralius ridiculise Gratien du Pont, sieur Drusac, le lieutenant de la Sénéchaussée de Toulouse qu’il haïssait , parce qu’il l’avait fait emprisonner après son second discours et parce qu’il était l’auteur d’un méprisable ouvrage misogyne contre lequel Dolet, en défense des dames Toulousaines, avait écrit six épigrammes saignantes .
 

La rencontre amoureuse  ardente de Rosemonde et Andro :
par le comédien  Philippe Morier - Genoud
 

« Quand le tout fut dûment et à diligence préparé, la grande Vénus à face riante et gracieuse , d’où elle apaisait  le Ciel , prit par les mains l’heureux Andro et la belle, son amie, et les mena en cette riche chambre : où elle par ses trois Graces les fit coucher. Ce fait, chacune prit congé d’eux. Mais avant ce, la bonne Déesse leur infusa à tous deux dans les moëlles et veines sa céleste et tépide influence.
 
Adoncques les deux Amants plus joyeux qu’on ne saurait dire, furent un moment sans pouvoir dire un tout seul mot : comme celui qui tant se remplit de joie au retour inespéré de son ami qu’il en perd la force de parler : il lui jette seulement les bras au col et doucement l’embrasse , répandant les larmes que fait couler la liesse de son cœur.
 
Cupidon, sans être aperçu, était à un coin du lit, tenant une petite lampe qui semblait pétiller de joie et s’échauffer aussi en amour.
Or en était la lumière simple qui augmentait la grâce et la beauté de l’un et l’autre. La belle dame qui auparavant se mourait entre les bras impotents et sans chaleur accolements de Pyralius, maintenant s’éjouit de manier les membres reposés et en bon point de son nouvel ami, et de voir sa belle et bien colorée face : ses verts yeux, sa blonde barbe, sa poitrine forte et pleine de chaleur, ses bras non rudes au délicieux exercice d’amours. De tout elle s’émerveille comme quelqu’un qui, par la commisération des hauts Dieux , nouvellement, a reçu le bénéfice de voir, il ne peut rassasier de jeter l’œil sur la douceur des choses , sur la structure et édifice de ce beau Monde.
 
 
édition Denis de Harsy, Lyon -1542
 
D’ailleurs, le chevalier Andro de son côté n’en faisait pas moins. Car ses deux yeux étaient si détenus à considérer la beauté parfaite de son amie qu’ à peine savait-il  s’il songeait ou si en vérité il apercevait  chose céleste ou humaine. En premier lieu, il considérait l’amplitude et spaciosité de son clair front bien arrondi, les sourcils plus noirs que  jais,  faits en manière de l’arc d’Amour. Après, il s’arrêtait sur la splendeur de ses beaux yeux brillants et semblant droitement en leur aspect deux étoiles célestes, où entre eux deux était posé un joli nez finement dessiné. Il considérait aussi la fraîche couleur et le beau teint de sa face, la rotondité de ses joues vermeilles, la petitesse de sa riante bouche, avec l’élévation des lèvres coralines et si bien jointes qu’elles semblaient à tout coup inviter à un suave et amoureux baiser.(…) Mais encore trop lui plaisait d’asseoir le regard attentif sur la rondeur des petits tétons, loin l’un de l’autre d’un bon demi pied, sur la gracilité de son tour de  taille, la fermeté de ses bras massifs et sur la beauté de ses mains délicates et blanches comme albâtre.
Puis il était merveilleusement réjoui de lui manier le ventre uni et dur, comme on le voit dans les statues de l’ouvrage de Phidias, excellent tailleur d’images. Il jetait aussi doucement la main sur ses cuisses bien tournées et sur la pleine charnure de ses mollets genoux.
 
Quant au galbe de ses jambes, rien n’eut su être plus élégant, d’autant que ses pieds démontraient je ne sais quelle mignotise  aimable. Que vous dirais-je de plus, chères compagnes, l’heureux Andro ne savait bonnement se satisfaire de la contemplation d’un corps si élégant et bien composé, tant l’avait soigneusement formé la souveraine Ouvrière Nature.
 
Mais enfin la joie conçue de telle contemplation provoqua du Chevalier ces paroles […]
O donc, ma chère amie Rosemonde, la seule vie de ma vie, mon âme propre, esprit de mes paroles, pensée de mes pensées, le confort de mes sens, l’accomplissement de mes espérances, plaisir de mes yeux, la liesse de mon cœur.
 
Très grande est la béatitude que je sens quand maintenant je me vois prendre la jouissance de votre excellent et céleste corps : non par fraude , mais par la bonté seule et la vertu de l’Amour et la vôtre. […]
 
L’heureux amant se tut et commença de faire ses approches près de la forteresse amoureuse. Laquelle longuement ne put souffrir la batterie qu’elle ne se rendit. »
 


Pages 77-81 de l’édition  de l’Université de Saint-Etienne
 
  On peut se procurer   «  Les Comptes ( ou Contes) Amoureux par Madame Jeanne Flore » en demandant l’ouvrage aux « Publications de l’Université de Saint-Etienne , 35 rue du Onze novembre , 42023 Saint-Etienne » avec un chèque de 7 € à l’ordre de M. l’Agent Comptable de l’Université de Saint-Etienne
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n° 7 - 4 juin 2005
 


Extraits du « Second Discours contre Toulouse » 1533-34
 
présentation
 


Dolet a prononcé ce discours à la fin de l’année 1533 et l’a fait imprimer chez Gryphe à Lyon en octobre 1534, non sans l’avoir revu avec soin. Il nous livre donc le fond d’une pensée réfléchie quant aux religions. Il n’en variera pas. Il se déclare fermement opposé à la réforme luthérienne . Non pas d’un point de vue dogmatique – Dolet est indifférent aux dogmes, il est laïque avant la lettre sur ce terrain  et reprochera même à Erasme d’étouffer la pensée sous la  théologie -  mais parce qu’elle est un  facteur de troubles. Il prend parti pour « la loi et la coutume de nos aïeux, consacrée selon les rites sacrés », ce qui est une profession de foi politique, « cicéronienne » et non chrétienne. Ainsi peut-il  se croire sincèrement  bon chrétien .
Mais il ne l’est pas. Ses ennemis l’ont toujours traité d’athée.  Sa volonté d’orthodoxie est impossible à assumer parce qu’il ne supporte ni l’intolérance religieuse, ni les bûchers
 
d’hérétiques qu’il a dénoncés, ni les superstitions . Et il sait que les persécutions conduites contre les luthériens sont aussi  dirigées contre les savants humanistes ; il en est personnellement menacé. Il devrait se taire. Au contraire, il fustige, pour la défense de la civilisation et la sienne propre, les « furies toulousaines » , entendez, les violences  de l’Inquisition catholique toute puissante dans cette ville. Et il réclame même le droit de pratiquer la religion « avec un peu plus d’indépendance ou de liberté », autant dire le droit à des conduites hérétiques.
En somme, il n’a jamais été converti  à la Réforme mais  il a constamment  refusé toute censure  contre lui-même  et contre les autres. Il est du côté des libertés. Il ne faut pas chercher ailleurs son audace et son imprudence, en 1542, à publier des ouvrages d’édification pas toujours très catholiques.
 


Extrait du 2ème Discours toulousain de Dolet
 
 
«  J’en viens donc aux faits. Il n’échappe à aucun d’entre vous que ces changements jusque là inconnus, que Luther apporta récemment à la stabilité de la République chrétienne, s’inspirent de tous côtés d’une grande malveillance, et que les choses en sont maintenant au point où on ne les considère approuvés que par des esprits troublés dotés d’une curiosité criminelle . Vous savez aussi sans l’ombre d’un doute que, dans la mesure où l’on est considéré comme plus intelligent et pourvu d’une éducation supérieure, on est d’emblée soupçonné d’autant plus sévèrement de l’hérésie luthérienne par ceux qui ont l’esprit faussé, et que l’on se trouve ainsi exposé au blâme et à la censure de cette aberration si commune. Utilisant ce prétexte pour alors laisser libre cours à leur haine infinie des savants et des associations d’étudiants, les furies toulousaines ne se sont-elles pas entièrement consacrées à la destruction de ceux qui sont illustres pour l’excellence de leur savoir et de leur caractère ? Qui les a jamais vues accorder leur suffrage au bien être de qui que ce soit de docte ?
En parlant de la sorte , il me semble voir les diffamateurs toulousains grincer des dents et déjà songer aux moyens d’ourdir ma ruine ; il me semble entendre leurs menaces les plus atroces ; il me semble les regarder intenter une accusation contre moi afin d’obtenir mon exil . Il me semble les voir compter mon nom parmi les luthériens, et notre diffamateur se promet d’appuyer et de seconder leurs calomnies. De peur donc que même pour un instant il ne jouisse de ce plaisir […] je vous demande , je vous implore avec véhémence de m’entendre maintenant : persuadez-vous que je ne n’adhère en rien moins qu’à l’entêtement inique et impie des hérétiques , qu’il n’y a rien que je déteste plus âprement et plus sincèrement que ce zèle et cette avidité pour les nouvelles doctrines que l’on trouve chez certains, et que rien, absolument rien, n’est plus condamnable à mes yeux.
Le fait est que je suis de ceux pour qui la doctrine déjà introduite il y a de nombreux siècles , et qui nous a été pour ainsi dire transmise de main en main par les plus saints et les plus pieux héros de notre croyance, qui a été pratiquée jusqu’à aujourd’hui selon la loi et la coutume de nos aïeux , et consacrée selon les rites sacrés – je suis de ceux, dis-je, qui cultivent et observent cette seule doctrine à l’exclusion de toute autre, et qui n’approuvent pas de façon irréfléchie une doctrine nouvelle et aucunement nécessaire. Tout ce qu’il y a de plus élevé et de nettement chrétien, voilà ce qui me plaît de façon étonnante.
 
Il me faut ici votre témoignage le plus sérieux et le plus sincère, et vous ne  me l’accorderez pas à contre-cœur si vous concentrez votre attention sur le fait que Toulouse , jusqu’ici, vit quasiment dans l’ignorance de toute pratique chrétienne , et se voue aux ridicules superstitions des Turcs. Certes, de quoi d’autre s’agit-il lorsque, à la fête de saint Georges , on introduit chaque année des chevaux dans l’église, et qu’on fait le tour du bâtiment neuf fois, pendant que l’on prononce des prières solennelles pour leur santé ? De quoi d’autre s’agit-il lorsqu’au jour désigné, on baigne une croix dans la Garonne, comme si l’on caressait le front d’un Eridan, d’un Danube ou d’un Nil, ou même du père Océan lui-même, pour obtenir que les eaux coulent de façon douce et régulière, ou qu’elle ne sortent pas de leur lit ? De quoi d’autre s’agit-il lorsque, pendant la sécheresse en été, quand on appelle la pluie qui ne vient pas, les troncs pourris de certaines statues sont transportés à travers la ville par des garçons, pendant que des prêtres sacrificateurs marchent au devant en chantant des prières propitiatoires, comme s’ils s’adressaient à Orion et aux dieux, à qui les fables des poètes attribuent le don de faire tomber la pluie ?
 
La superstition des barbares de jadis n’a rien inventé d’aussi ridicule, d’aussi totalement dépourvu de sens ! Et il n’existe pas autant de fictions et d’absurdités poétiques qu’il y a d’exemples de superstitions extravagantes et de religion corrompue ici à Toulouse – exemples que l’on peut voir si l’on vit ici ou dont on entend parler tout le monde lorsqu’on vit ailleurs. Et pourtant elle ose - cette ville si mal et si faussement instruite dans la foi du Christ – elle ose prescrire pour tous les lois de la pratique chrétienne, et tout ramener sous son autorité et son commandement. Elle ose imprimer, comme une meurtrissure, le nom d’hérétique sur celui qui s’attache aux commandements du Christ avec un peu plus d’indépendance ou de liberté, tout comme s’il avait renoncé à l’intégrité et à la pureté de la foi. »
 
Traduction  des «  Orationes duae in Tholosam »,  p. 170-173 due à  Kenneth Lloyd-Jones et Marc Van der Poel ( librairie Droz, Genève 1992).
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°4 - avr 2004
 

DOLET - MAROT - RABELAIS,
des amateurs de GARUM !
 


         Les circonstances
 
Dolet, fuyant les persécutions de Toulouse, arrive à Lyon le 1er août 1534. Sur recommandation de leur ami commun, le professeur Boyssonné de Toulouse, il se présente à l'imprimeur Sébastien Gryphe qui l'embauche comme correcteur latin .
 
Rabelais est médecin de l'Hôtel Dieu du Pont du Rhône depuis le ler novembre 1532. Après un séjour à Rome, il est de retour à Lyon depuis mai 1534 et c'est précisément chez Gryphe qu'il fait rééditer en août la "Topographie" de la Rome antique de Marliani .
 
On peut imaginer que les deux hommes ont fait connaissance ce même mois. Dolet était arrivé très malade. On a prétendu que Rabelais lui a prodigué ses soins.
 
Quant à Clément Marot, c'est à Paris, en octobre 1534, que Dolet a pu le rencontrer avant que le poète ait été contraint de prendre la fuite après « l’affaire des Placards " (nuit du 17 au 18 octobre) qui déclencha de tragiques persécutions contre les Réformés. Marot ne devait rentrer d'Italie pour abjurer l'hérésie en la cathédrale Saint Jean de Lyon, devant le Cardinal de Tournon, que deux ans plus tard, en 1536.
 
Pour sa part, d'août 1535 à mai 1536 Rabelais est de nouveau à Rome.
 
C'est certainement de cette période qu'il faut dater les échanges d'épigrammes latines sur le Garum romain que Dolet publiera dans ses "Carmina " en 1538.
 
Recette du Garum
 
Marot, Rabelais et Dolet étaient des savants amoureux des bonnes choses de la vie. Rabelais écrit ( épigramme XV   livre 11):
 
François Rabelais à Dolet
 
Du nouveau sur le garum
 
Parce que les travaux des médecins qui nous ont précédés sont ignorés. je t'envoie la recette
 

Tu ajoutes à du vinaigre une égale quantité
d'huile. Certains trouvent le beurre plus
savoureux.
Quand tu es resté longtemps courbé sur les
livres, aucune drogue ne réveillera mieux
ton appétit émoussé.
Aucune n'est un laxatif plus doux,
aucune n'est un purgatif plus efficace.
Et le plus merveilleux,
c'est que lorsque tu auras goûté au garum,
aucun condiment douceâtre ne pourra le plaire.
 




Dolet répond (épigramme XIV   livre 11)
 
A François Rabelais
 
Le garum
 
Grâce à ton génie, Rabelais, tu nous a rendu le
garum des temps antiques.
Déjà, dans nos vers, ô Marot, nous avons célébré
la délicieuse irritation et la saveur parfumée
qu'il apporte tout à la fois
au palais et à l'estomac.
Non, il ne faut pas cacher un bien si précieux.
 



Une simple vinaigrette, le garum ?
 
Non! La recette de Rabelais est un peu sommaire. C'est qu'en bon médecin, il ne s'intéresse guère qu'aux bienfaits thérapeutiques attribués au garum.
 
Pline l'ancien ( mort à Pompéi en l'an 79 de notre ère) décrit ainsi la fabrication du garum :
 
"On fait macérer dans le sel les intestins et les autres déchets de poisson, ce que l'on jette habituellement, pour obtenir un jus dû à leur putréfaction (..) Sont réputés pour leur garum Clazomène, Pompéi et Leptis. "
 
L'encyclopédie nous apprend qu'il existait de véritables usines à garum .I1 était fabriqué surtout à partir de poissons gras, de maquereaux, d'anchois et d'herbes aromatiques, conservé et expédié dans des amphores de différentes tailles et vendu très cher   plus cher que nos truffes ou le caviar   dans tout l'empire romain. Ce produit ressemblerait au nuoc mam vietnamien.
 
Pour en savoir plus : sur internet,   garum ou liquamen ou lymphata ou muria
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°10 - jan 2007
 

LA COURONNE D'HERCULE
 

Le 18 novembre 2006 , à  la Sorbonne , Mme Catherine LANGLOIS-PEZERETa été reçue Docteur de l’Université avec mention Très Honorable et les Félicitations du jury après la soutenance de sa  thèse :
 
«  Etienne Dolet, les CARMINA
OU LA COURONNE D’HERCULE » .
 
     La thèse de Catherine Pézeret est l’édition, la traduction et l’étude littéraire des Carmina , 196 épigrammes latines  publiées en 1538 à Lyon.
 




















    Cette thèse est un travail  « considérable » selon le mot du Président du jury qui ne parlait pas seulement des 946 pages de la thèse elle-même !
«  Considérable » par l’approfondissement  qu’elle apporte à la connaissance de l’humaniste.
Les Amis d’Etienne Dolet  s’en réjouissent et en feront leur profit. Ils sont d’autant  plus reconnaissants à Mme Pézeret qu’elle leur offre la première  thèse que l’Université française – et en Sorbonne - ait consacré à l’homme que les docteurs de la faculté de  théologie de cette même Sorbonne en 1546 avaient voué au bûcher .
     Nul doute que cette thèse tombe à point et va compter. Mme Pézeret a déjà sa place dans le Colloque Universitaire International, qui sera organisé en 2009 par Lyon II ,  pour marquer le 500ème anniversaire de la naissance de Dolet.
La Doloire  ne manquera pas, à l’avenir,  de publier  de « bonnes pages » de la thèse dont Mme Pézeret nous a remis généreusement  une copie . Pour ce numéro, nous nous contenterons d’un bref extrait et de la traduction d’un poème.
 
«  Pourquoi ce sous-titre de « La Couronne d’Hercule »,
beau compliment pour Dolet ?
 
-« J’ai voulu éditer les épigrammes d’Etienne Dolet, poète méconnu et parfois injustement décrié […] On pourrait plutôt le nommer l’Hercule de la poésie néo-latine française : il s’assimile lui-même volontiers à cette figure mythologique ; son destin, d’ailleurs, l’a mené à mourir sur le bûcher, comme l’Alcide dans sa tunique de Nessus ; mais surtout […] il cherche, audacieux comme son emblème, à pratiquer des formes nouvelles […] à la variété exceptionnelle […] ; il est aussi l’audacieux promoteur d’une esthétique laïque, affranchie du carcan de la religion chrétienne, et parfois un peu frondeuse. » ( p. 32)
 
  
 
Dolet dans la pièce 4 du livre I s’adresse à son recueil  des « Carmina » ( Thèse p. 57 )
 
« AU LIVRE »
 
« Livre, si on cherche l’occasion de te calomnier,
En t’accusant  de prononcer tantôt un mot trop libre
Tantôt trop sensuel, tantôt un mot plus chaste
Et plus austère, quand tu rejettes
Les grâces d’un génie plus souriant, dis à Zoïle
Ou à n’importe quel autre détracteur
Que je suis homme de toutes les heures et que je me plie
A  n’importe quel genre de vie :
Pas plus stoïcien qu’épicurien, si le cas s’y prêtait.
VIVRE LIBRE, C’EST VIVRE. »
 
Note de la traductrice : « Ce dernier distique ( le vers 10)  résonne comme la profession de foi d’un philosophe désireux de s’affranchir de tout carcan idéologique … »
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°16 - fév 2010
 

ERASME heureux à Lyon, comme Dieu en France ?
 
En 1506, en se rendant à Rome, Erasme coucha à Lyon. Il n’y rencontra pas Dolet qui ne naîtra que trois ans plus tard mais une agréable hospitalité qu’il présente avec un humour si accompli qu’on finirait presque par se demander dans quelle auberge  le savant humaniste a  été hébergé où  il n’a rencontré que des femmes.
 
« Bertulphe – D’où vient que la plupart des voyageurs ont trouvé bon de s’arrêter à Lyon deux ou trois jours ? Pour moi, une fois en route, je ne prends pas de repos avant de parvenir au terme de mon voyage.
 
Guillaume – Et moi, au contraire, je m’étonne que l’on puisse s’arracher à cette ville.
 
B- Pourquoi donc ?
 
G- Parce qu’il s’y trouve un endroit dont les compagnons d’Ulysse n’auraient pu se détacher, car des sirènes y vivent. Jamais personne ne fut mieux traité dans sa propre maison que dans cette auberge lyonnaise.
 
B- Comment cela ?
 
G- A notre table, il y avait toujours quelque femme qui égayait le repas de ses facéties et de ses mots plaisants. Les Lyonnaises sont d’ailleurs d’une étonnante beauté. Tout d’abord, la mère de famille venait nous saluer, nous invitant à être de joyeuse humeur et à réserver un excellent accueil au menu. Puis elle cédait la place à la fille, élégante personne d’un caractère et d’un caquet si enjoués qu’elle aurait déridé Caton lui-même. L’une et l’autre s’adressaient à nous, non point comme à des visiteurs inconnus, mais à de vieilles connaissances.
 
B- Je reconnais bien là l’urbanité de la nation française.
 
G- Comme elles ne pouvaient pas demeurer indéfiniment à notre table, car il leur fallait vaquer aux soins domestiques et saluer les nouveaux arrivants, une jeune personne, entraînée à toute espèce de badinages, demeurait à nos côtés : à elle seule, elle était capable de donner la riposte à tous les traits qu’on lui décochait de partout. Elle animait la conversation jusqu’au retour de la fille, car la mère prenait déjà de l’âge.
 
B- Mais quel était donc le menu ? Car le ventre ne s’emplit pas d’historiettes.
 
G- Délectable chère, assurément. Et je m’étonne même que l’on puisse traiter des hôtes pour un prix si modique. Le repas terminé, les voyageurs étaient rassasiés d’histoires divertissantes, précaution contre toute apparition de l’ennui. Bref, je me croyais chez moi, et non pas en voyage.
 
B- Et dans les chambres ?
 
G- Là, ce n’était qu’entrées de jouvencelles rieuses, à l’humeur badine et folâtre. Elles s’informaient encore si vous n’aviez pas de linge sale, et dans l’affirmative, elles le lavaient et le rapportaient blanc. Que vous dire encore ? Dans cette auberge, on ne rencontrait que jouvencelles ou femmes, si ce n’est à l’écurie, et encore les jeunes filles y faisaient-elles souvent irruption. Quand nous partions, elles nous embrassaient et nous disaient adieu avec autant d’affection que si nous avions été tous leurs frères ou proches parents.
 
B- Ces coutumes plaisent peut-être aux Français. Mais, moi, je préfère les usages allemands, que je considère comme plus virils. »
 
- La suite du Colloque est une charge ironique contre la grossièreté des mœurs germaniques.
 
(Colloque « Les auberges » – collection Bouquins : Erasme, p. 307-308. Trad. J-C Margolin. Erasme se représente sous le nom de Guillaume, Bertulphe étant le nom d’un de ses familiers)
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°17 - jan 2012
 

La statue du 14 juillet 1884 de Dolet en supplicié
 
    Cette statue, peu connue,  a une histoire qui mérite de l’être.
     Au mois de septembre 1881, relate le journal «  Le Temps », en 1889, à l’occasion de l’inauguration de la statue de Guilbert, un ouvrier parisien, François Steckle, fervent admirateur de Dolet, qui traversait chaque jour la place Maubert pour aller et venir de son domicile à son atelier, a l’idée d’écrire au Préfet de la Seine, pour suggérer l’érection d’un monument «  à la mémoire d’Etienne Dolet, savant humaniste, imprimeur, poète et grammairien ».
 


























     La statue ne resta en place que quelques semaines. Le journal « Le Temps » ajoute : «  la statue en question n’était pas un chef d’œuvre, il fallait l’enlever ». Un autre journal « Lutèce » donne le nom du sculpteur « Paul Geoffroy » bien connu par des « œuvres magistrales » et qualifie la statue  de « remarquable » ( 20 juillet 1884).
    Nous avons rappelé cette histoire parce que nous avons quelque raison, à notre tour, à Lyon, de nous étonner que le vote du conseil municipal du 4 novembre 1913, accordant une subvention de 10 000 F, au monument Dolet soit  tombé dans les oubliettes.
    Et puisqu’on parle d’argent, savez-vous que les 10 000 F/ or  de 1914 représentent de 30 000 à 50 000 euros, de nos jours, suivant qu’on tient compte ou non de la spéculation actuelle sur l’or ?
 


-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
 


La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°17 - jan 2012
 


Le supplice deDolet
 
La foule haletait, lugubre et tête basse.                    Le bruit que fait la pelle aux mainsdes fossoyeurs,
On avait dans la nuit, au milieu de la place,               J’entendis un enfant crier :Miséricorde !
Elevé la potence et dressé le bûcher ;                      J’entendis les anneaux quisoutiennent la corde
Et ce tas de fagots que gardait un archer                 Grincer sous le gibet comme des dents defer ;
Ployait, dans je ne sais quelle horreur solennelle,        J’entendis sous mes pieds, sur la terre etdans l’air,
Sous des livres ouverts, entassés pêle-mêle.             Quelque chose comme un grand silence quipasse ;
                                                                         Puis je n’entendis plus qu’un râle dansl’espace ;
Quand il vit le gibet, Dolet serra le poing ;                 Et puis je ne vis plus qu’un pendu dans leCiel.
Mais il sourit au peuple et ne chancela point,      
L’homme était impassible et grand de cent coudées,    Alors comme le prêtre est lâchementcruel,
Quand il répand son sang au sillon des idées.             On fit sur le bûcher traîner ce restantd’homme,
Acteur divinisé par l’injure du sort,                       Les bras pendants, les yeux mal clos, disloqué comme
Il gravit sans pâlir les tréteaux de la mort,                 Une marionnette au gestepuéril,
Plantés dans les pavés, au ras de la potence,             Dont une main brutale aurait coupé lefil ;
J’entendis une voix qui criait la sentence ;                 Et quand on l’eut jetésur le bûcher infâme,
Et cela rappelait, en de vagues frayeurs,                   Au milieu de sonœuvre où palpitait son âme,
                                                                         On crut lui brûler l’âme en luibrûlant le corps.
 
Clovis HUGUES (1851-1907)
poète - députéd’extrême gauche
 
(La Libre-Pensée et ses martyrs, petit dictionnaire del'intolérance cléricale, par Maurice Barthélemy.
1904 - sur Gallica, poème communiqué par J C Dolet de Toulouse.)
La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°17 - jan 2012
 
---------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°19 - sept 2002
 

3 – Dolet ressuscité dans un nouveau roman,
figure emblématique avec Bruno et Galilée
 

On ne sait pas  tout de Dolet  mais comme il est un  personnage historique et politique, sa mémoire ni sa légende ne sont pas enfermées dans les bibliothèques. Un roman moderne, à son tour, après beaucoup d’autres , remet Dolet en scène. Michel Jourde (ENS-Lyon) place en tête de sa contribution au Colloque Dolet -2009 (« Etienne Dolet et Jean de Tournes »), quelques lignes extraites de cette œuvre, roman italien traduit et publié en Français en 2008 :  «  Le Libraire d’Amsterdam » . Le roman n’est en rien une biographie de l’imprimeur de la rue Mercière mais il fait de Dolet, à travers de nombreuses références, un des trois personnages emblématiques, du combat pour la séparation de la théologie et de la science qui se confond dans des conditions historiques différentes des nôtres avec le combat de la liberté de penser : Dolet brulé en 1546, Giordano Bruno brûlé en 1600 et Galilée persécuté et emprisonné en 1636.
 


























    
    Je cite le passage choisi par Michel Jourde avec ses commentaires.
 
« Un matin pluvieux de 1535 à Lyon dans l’atelier de Sébastien Gryphius :
 
    «  Dans l’entrebâillement de la porte apparut la silhouette dégingandée de Dolet qui s’approcha d’eux. Son visage ridé affichait un sourire méchant, et ses yeux brillaient d’un éclat fébrile.
-Ils vont allumer les bûchers à nouveau. Quand ils ont tué son ami Berquin, le roi n’était pas à Paris. Maintenant il y est et il est terrifié.
   - Agacé, rectifia Mathieu.
   - Terrifié, c’est moi qui te le dis.
   - Tais-toi, Etienne ! le réprimanda de Tournes, en affichant une certaine prudence ».
 
C’est seulement dans les romans historiques que l’on peut entendre ainsi dialoguer Etienne Dolet et Jean de Tournes. Dans celui, richement informé, d’Amineh Pakravan, on découvre un Jean de Tournes à la fois attaché à Dolet et soucieux de ne pas le suivre dans ses orientations les plus périlleuses. De telles nuances sont sans doute la traduction romanesque des hypothèses contradictoires que les historiens ont été conduits à élaborer, quant aux relations de ces deux éminents acteurs du livre lyonnais du XVIème siècle, à partir des sources dont ils disposaient […] ».
 

      Qu’ajouter ? Dolet, de grande taille et en mauvaise condition physique, en 1535, pouvait avoir une «silhouette dégingandée ». Son «sourire méchant » fait référence à son mauvais caractère redouté.  « L’éclat fébrile » de ses  yeux, c’est la passion qu’il met dans sa vie mais aussi l’effet de la  maladie (il était arrivé à Lyon le 1er août 1534, souffrant d’une grave crise de paludisme (maladie chronique .) Michel Jourde a raison de suggérer en parlant des « orientations périlleuses » de l’humaniste qu’il était imprudent dans ses initiatives qui  le mettaient en danger devant l’Inquisition et le rendaient infréquentable. Un ami véritable, comme Jean de Tournes, lui était cependant  « attaché », tout « en affichant une certaine prudence ».
 
     On peut d’ailleurs souscrire à l’analyse de la situation vers 1540,  énoncée par Mathieu, un des protagonistes du roman, avec cette précision que lui aussi, parce qu’il est un partisan affiché de l’ordre catholique et qu’il est jaloux,  haït Dolet qu’il a bien connu à Lyon. Dolet personnifie le mal à ses yeux et il obligera son fils Simon à assister au supplice Place Maubert :
 
   « Les imprimeurs étaient prudents, surtout en matière de religion. On ne plaisantait pas avec ce sujet ; ils savaient de quel bois était fait ce dominicain Mathieu Orry. Il n’accordait aucune chance à ceux qui outrepassaient ses limites, même Gryphe était obligé de jouer de temps en temps  au funambule. Dolet, lui, ne s’en souciait absolument pas. Les livres qui sortaient de ses presses étaient une succession de défis. Il se croyait peut-être intouchable […] C’était plus fort que lui, il devait prouver qu’il n’avait pas peur. Et en plus il les agaçait avec ses palabres de bon chrétien. Mais il finit par recevoir la note et la paya, et il la paya vraiment.
[…] Il savait bien que ça se terminerait ainsi, l’imbécile. Il l’avait dit lui-même. La mort, c’est comme s’il la
cherchait : ne disait-il pas qu’il ne la craignait pas et même qu’il la désirait ? Personne ne put l’aider. […] L’ennui, c’est que pour une fois, on ne voulait pas seulement brûler un hérétique – et il était pire qu’un hérétique, c’était un mécréant, un padouan qui ne croyait pas même à l’immortalité de l’âme. Cette fois-ci on voulait brûler un libraire. Etienne Dolet et sa réputation faisaient parfaitement l’affaire. »   ( p. 60-61)
     L’enfant qui a les meilleurs souvenirs de Dolet qui jouait avec lui,  voudrait fermer les yeux pour ne rien voir du supplice. Il se souvient : «  les mots joyeux et sauvages que Dolet jetait au vent résonnaient à ses oreilles […] Il traînait  Simon en riant vers les eaux scintillantes de la rivière,  il s’y jetait en hurlant avec lui, et quand le gamin s’étouffait, le poète maudit le rejoignait en quelques brasses, le saisissait et le ramenait sur la rive, le couchant sur l’herbe avec l’attention d’un père. Il s’asseyait à côté de lui et  reprenait son étrange leçon de latin, en récitant des passages entiers de Cicéron, sans un mot d’explication […] Simon ne comprenait pas ses propos, mais il jouissait ces après-midi-là d’un bonheur envoûtant et sans ombre ».  
---------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°19 - sept 2002
 

8 - Documents  : Les richesses des " Commentaires de la langue Latine "
 
     Mme Marie-Luce Demonet qui a titré sa contribution «  Que faire avec les Commentaires de la Langue Latine ? » défend l’idée que la BNF se doit de mettre à la disposition une  « bonne numérisation en fac-similé en ligne » afin de permettre de multiplier des recherches presque impossibles à conduire sans les ressources des techniques informatiques : « Editer les Commentarii, c’est aussi pratiquer une «  fouille de données » que l’ampleur du texte latin laisse entrevoir comme un défi. »
 
     Oui, il reste beaucoup à découvrir dans les «  Commentaires ».
    De quoi enrichir une éventuelle édition des Œuvres choisies. Je donnerai deux illustrations de cette proposition, en plus des passages célèbres fournis au chapitre  précédent du bulletin.
 
   1 -  Avant Pierre Bayle ou Diderot, Dolet, cherchant à aveugler la censure de la faculté de théologie de la  Sorbonne, a su donner le fond de sa pensée là où on ne l’attendait pas. Henri Weber  en donne un bel exemple. Dolet croyait-il à l’immortalité de l’âme ? Il tire de  Cicéron des citations plutôt orthodoxes à l’article Animus  ou  Immortalis, mais ne s’en tient pas là.
      Weber poursuit :
«  Ces citations nous paraissent trop épisodiques pour démentir les nombreuses affirmations contraires. La définition d’ Anima  se dissimule à l’article Pulmonum et nous paraît exprimer plus nettement encore la position de Dolet.»
      Weber donne ensuite sa traduction des quinze lignes qui suivent de la  colonne 414 du tome II où il n’est plus du tout question de poumon mais seulement des opinions les plus diverses sur l’âme et l’immortalité avec l’annonce du «  livre intitulé De l’ opinion « que nous laissons à la postérité pour montrer que nous avons vécu et que nous ne nous sommes pas laissés affaiblir et tourmenter par des inepties ». (livre disparu ou jamais rédigé)  
 
    2 - Dolet a multiplié les «  digressiones » dans les Commentaires pour donner son sentiment un peu sur tout. Pour permettre aux lecteurs de les trouver commodément, il  a fourni une liste de 63 articles dispersés de la colonne 8 à la colonne 1583 du Tome II. Nul besoin d’être un grand latiniste pour déchiffrer les intitulés mais il n’en va pas de même des articles eux-mêmes. La traduction de la plupart de ces pages reste à faire. Nos lecteurs trouveront p. 17 et18 du bulletin, en encart, la reproduction de la liste des digressions.
 
Elles portent sur la vie personnelle de Dolet et ses activités : le meurtre de Compaing -  colonne 1107   ; la prière aux dieux pour  ne pas tomber entre les mains de la justice – colonne 1328 ; la guerre contre Erasme - colonne 520.
Elles nous parlent de l’intérêt que  Dolet porte à la politique et de son patriotisme : Le  gouvernement de François Ier- colonne 818,  père des Lettres – colonne 493, sa mauvaise fortune (à Pavie) - colonne 32, la mort par empoisonnement de son fils - colonne 918 ; l’éloge de Marguerite de Navarre – colonne 830 ; les troupes de Charles Quint chassées de France – colonnes 446 et 559 etc.
Elles sont philosophiques – mépris de la mort – colonnes 1162 et 1163.
Elles font l’éloge des poètes du temps, Clément  Marot et  Maurice Scève – colonnes 535 et 403.
Elles nous instruisent de son mépris envers  ses détracteurs – colonnes 242,520 & 754 ; les grammairiens en délire – colonnes 589, 876 & 1191 ; les imprimeurs cupides –colonne 467 ; de l’hommage rendu à Erasme à sa mort – colonnes 151 et 510 etc.
 

     Il est possible de feuilleter les Commentaires sur internet, avec la numérisation réalisée par Google. J’écris « feuilleter », car Google ne donne pas la possibilité de faire des recherches,  mais seulement d’aller de page en page.
     Allez colonne 1158 du Tome II et trouvez, pour les méditer, en marge de la longue  rubrique consacrée aux Lettres, ces simples  mots :
 
« Temporum optimorum spes »
(L’espoir en des temps meilleurs)
---------------------------------------------------------------------------------------
 

La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°19 - sept 2002
 

Documents  : 1534-1542 - Une orientation permanente chez Dolet :
défense de la tolérance, de la liberté de pensée et d'expression
 


1er janvier 1534
 
2ème discours toulousain : plaidoyer pour la tolérance religieuse
en juin 1532, le professeur Jean de Caturce et vingt et une autres toulousains accusés d’hérésie avaient été brûlés vifs.»
 
«  un peu plus d’indépendance et de liberté »
 
    « Mais pour quelle raison (ô malheur !) l’inhumanité fait-elle les délices de Toulouse ? Pourquoi cette ville a-t-elle de telles coutumes qu’elle se réjouit uniquement de s’adonner à tout ce qu’il y a d’éloigné de la nature humaine, à tout ce qu’il y a d’incompatible avec l’esprit de justice ? Il a peut-être pu dire hardiment beaucoup de choses, il s’est peut-être entouré de tous les crimes, il a peut-être reconnu tout ce qui mérite la punition accordée aux hérétiques, celui que vous avez vu brûler vif dans cette ville (je tais le nom du mort, certes consumé par le feu, mais cependant encore aujourd’hui consumé par les flammes d’une brûlante malveillance). Et malgré tout cela, le chemin de la santé et du salut, fallait-il le fermer au  pénitent ? Ne savons-nous pas que c’est le propre de tout homme de tomber dans l’erreur et de glisser mais que c’est uniquement celui qui se détourne de la sagesse qui demeure dans l’erreur ? Une fois dissipé le nuage dans lequel il se trouvait, fallait-il néanmoins renoncer à l’espoir qu’il saurait bientôt découvrir la lumière ?
Puisqu’il était en train de se tirer du tourbillon et du gouffre de l’erreur en cherchant à atteindre le havre du bien, pourquoi n’ont-ils pu se mettre d’accord pour lui offrir la possibilité de ramener son vaisseau en arrière ? C’était là son dernier mot, son appel de la sentence de l’archevêque et de la peine capitale prononcée par le Parlement ; qui saurait nier que, selon toutes les normes de la loi, pareil appel aurait dû être considéré comme recevable, et alors soutenu. Mais il ne lui a été d’aucune utilité d’avoir voulu se remettre sur la bonne voie après s’être égaré. »
( Dolet poursuit en dénonçant «les superstitions  extravagantes et la religion corrompue » de Toulouse qui expliquent les atrocités des persécutions.)
«  Et pourtant elle ose – cette ville, si mal et si faussement instruite dans la foi du Christ – elle ose prescrire pour tous les lois de la pratique chrétienne, et tout ramener sous son autorité et son commandement. Elle ose imprimer comme une meurtrissure  le nom d’hérétique sur celui qui s’attache aux commandements du Christ avec un peu plus d’indépendance ou de liberté, tout comme s’il avait renoncé à l’intégrité et à la pureté de la foi. D’autre part, ceux qui sont entourés de brouillard et de ténèbres, qu’elle voit vivre de façon superstitieuse chez elle, Toulouse les considère et respecte comme des prêtres sacrés, ou bien les vénère comme Dieu même.»
( Extraits p. 171-173 de la traduction des Discours par Kenneth Llyod-Jones et Marc Van der Poel – Droz 1992)
 

----------------------------------------------------------------------------------------------------
 

1536
 
Extrait des « Commentaires de la Langue Latine » - tome I- colonne 266
Défense de la liberté de l’imprimerie contre le « complot abominable et méchant
des sophistes et des ivrognes de la Sorbonne ».
 
«  Je ne peux passer sous silence la méchanceté de ces misérables qui, méditant la destruction de la littérature et des hommes de lettres, ont voulu dans notre temps supprimer et anéantir l’exercice de l’art typographique. […]. Ils ont pris pour prétexte que la littérature servait à propager l’hérésie luthérienne, et que la typographie soutenait ainsi cette cause. Race insensée d’imbéciles ! Comme si les armes étaient mauvaises ou destructives par elles-mêmes et comme si, parce qu’elles blessent et tuent, il fallait en défendre l’usage aux hommes bons qui se défendent eux-mêmes et défendent leur pays ; seuls les méchants se servent des armes pour leurs mauvais desseins.[…] Ce complot abominable et méchant des sophistes et des ivrognes de la Sorbonne a été réduit à néant grâce à la sagesse et à la prudence de Guillaume Budé, la lumière de son siècle, et grâce à Jean du Bellay, évêque de Paris , homme aussi remarquable par son haut rang que par sa valeur personnelle ».
 
(Extraits p. 222-223 tirés de la biographie d’Etienne Dolet de Richard Copley Christie, édition française de 1886,  traduite  par Casimir Stryienski. –  Slatkine reprints Genève 1969)
 

----------------------------------------------------------------------------------------------------
 

1538
 
Extrait des « Commentaires de la Langue Latine » – tome II - colonne 1158
Eloge des Lettres : «  Ce qui nous manque, la liberté de penser… »
 
«  Nihil desit praeter antiquam ingeniorum libertatem… »
 
“Les études littéraires sont cultivées partout avec tant d’ardeur que, pour arriver à la gloire des anciens, il ne nous manque rien, si ce n’est l’antique liberté de penser et la perspective de se voir distingué quand on se consacre aux arts libéraux. Ce qui fait défaut aux savants, c’est l’affection, la libéralité, la courtoisie des puissants ; le patronage d’un Mécène est un stimulant nécessaire pour faire éclore le talent et pour encourager le travail. Il nous manque encore ce qui favorise l’éloquence : un sénat romain, une république, dans laquelle les honneurs et les éloges qui sont dus à l’art oratoire, lui fussent accordés ; de cette manière, les natures les plus paresseuses seraient réveillées, et ceux qui possèdent naturellement les qualités de l’orateur seraient enflammés au plus haut degré. Au lieu de ces encouragements à l’étude des arts libéraux, on remarque, chez un grand nombre de personnes, un certain mépris pour la culture littéraire. On couvre de ridicule ceux qui sont voués aux choses de l’esprit ; il faut travailler sans espoir de récompense ; les gens studieux ne connaissent pas les honneurs ; il leur faut supporter le mépris de la multitude, la tyrannie et l’insolence des puissants ; et les études littéraires mettent souvent en danger la vie de ceux qui s’en occupent ».
 
( Extrait p.245-246 de la biographie de Richard Copley Christie . cf ci-dessus)
 

----------------------------------------------------------------------------------------------------
 


1er janvier 1542
 
Extrait de la lettre-préface,  dédiée à Lyon Jamet,  de l’édition de «  L’Enfer » de Clément Marot,  récit de ses emprisonnements. 
 
«  La liberté que doibt avoir l’esprit d’un Autheur. » (En marge )
 
[…] «  Que pleust à Dieu que la description de cest horrible Monstre, Procès, laquelle est en ce petit livret, fust bien entendue et repceue. Il est certain que l’on ne voyrroit tant d’innymitiés et rancunes (chose totallement contrevenante à la loy de Dieu) entre les Chrestiens, ny tant de destructions et ruynes de plusieurs bonnes maisons et familles.
     Voyla le profict, que l’on peult  prendre, en ceste Poësie Marotine ; en laquelle je ne trouve rien scandaleux, ou reprehensible, sinon que quelcques gens chatouilleux des oreilles, ou (possible) pleins de trop  grande arrogance, se voulussent attribuer aulcuns passages de cest Œuvre, comme se sentant pinsés sans rire. Mais de tout cela il n’en est rien ; ains tout le discours se faict par  la commodité de l’argument, representant les choses qui peuvent advenir, ou escheoir en tel cas. Tel effort d’esprit doibt estre libre, sans aulcun esgard, si gens mal pensants veulent calumnier ou reprimer ce qui ne leur appartient en rien. Car si un autheur a ce tintoin en la teste que tel ou tel poinct de son ouvrage sera interpreté ainsi ou ainsi par les calumniateurs de ce Monde, jamais il ne composera rien qui vaille. Mais (comme j’ay dict cy dessus), moyennant que la religion ne soyt blessée ; ny l’honneur du Prince attainct, et que aulcun ne soyt gratté ( encores qu’il soyt roigneux) apertement  (comme par nom ou par surnom), le demeurant est tolérable, et ne fault pas apres que lascher la bride à la plume, ou aultrement ne se mesler d’escrire. Car si tu composes à l’opinion d’aultruy, tu te trouveras froid comme glace ;et myeux vauldroit te reposer.» […].
 
(Extrait de l’édition des «  Préfaces Françaises » établie par Claude Longeon - Droz, 1979.)
 

--------------------------------------------------------------------------------------------------
 

Avant octobre 1542
 
Préface de l’édition de Dolet du «  Chevalier Chrestien », d’Erasme
( L’édition latine datant de 1503  avait été  condamnée par la Sorbonne le 31 janvier 1540)
 
«  Je n’ay crains mettre en lumiere ce présent œuvre »
 
    «Je ne sçay qui peult avoir aultresfoys esmeu quelcque personnaiges (Lecteur) d’entrer en opinion que ce présent œuvre d’Erasme fust scandaleux ou illicite. Je sçay et tiens le contraire (et ne le dys sans l’avoir leu diligemment et avec grande attention) que si les vicieux ne s’y trouvent offensés, aultre chose n’y a qui ne soit louable  et de grand fruict. Je dys notamment les vicieux, desquels on peult veoir à l’œil les abus, superstitions et arrogances en ce petit Livret. Mais si pour cela aulcuns le trouvent de maulvais goust, je vouldrois sçavoir d’eulx s’ilz me pourroyent prouver par quelles loix et statuts (soit des infideles ou des Chrestiens) la reprehension des vices n’est permise. De contester cause avec eulx plus avant, ce serait peine perdue : car encores qu’ilz congnoissent leur tort, la coustume est de le maintenir jusque au dernier poinct ; et s’ilz ont puissance, ilz ne faillent d’exercer toute rigueur contre  ceulx qui ne leur adherent. Je les laisserai doncqs pour telz qu’ilz sont, et demeurreray en ceste opinion que touts livres, non contrevenantz à l’honneur et gloire de Dieu doibvent plus tost estre repceus que rejectes. Pour cette cause je n’ay crains de mettre en lumiere ce present œuvre ».
 
( D’après l’édition des  « Préfaces Françaises », établie par Claude Longeon, p. 141 -Droz- 1979.)
- Dolet - Marot - Rabelais, des amateurs de Garum
 
- Extraits du "Second Discours contre Toulouse" 1533-1534
- Extrait du premier des "Comptes amoureux par Madame Jeanne FLORE",
   conte attribué à Etienne DOLET
- A Jean de Tournes et Vincent Pilet, ses compagnons de beuverie
 
- La couronne d'Hercule
 
- Erasme heureux à Lyon, comme Dieu en France ?
 
- La statue du 14 juillet 1884 de Dolet en supplicié
- Le supplice de Dolet par Clovis Hugues
 
- Documents : 1534 -1542. une orientation permanente chez Dolet : défense
   de la tolérance, de la liberté de pensée et d'expression
- Documents : Les richesses des "Commentaires de la Langue Latine"
- Dolet ressuscité dans un nouveau roman
 
"La manière de bien traduire" - Lyon 1540 - extraits : les 5 règles
 
- Anthologie
- Facebook
 
- Le Dixain inédit de l'avocat
- Libera me
Bulletin n°4 - avr 2004
 
Bulletin n°7 - juin 2005
 



Bulletin n°10 - jan 2007
 
Bulletin n°16 - fév 2010
 
Bulletin n°17 - jan 2012
 

Bulletin n°19 - sep 2012
 



Edition d'Etienne Dolet
 
Bulletin n°23 - mai 2014
 

Bulletin n°31 - fév 2017
 

FLORILEGE
La Doloire 
Plan du site
Crédits
Mentions légales
Vie de l'association 
1509 - 1546
Humaniste imprimeur, mort sur le bûcher