Cette  caractérisation de celui qu’Edouard Herriot appelait « le plus grand humaniste du XVIème siècle », «  un homme qui honore l’histoire de notre patrie locale », n’a rien perdu de sa vérité ni de sa force.
Etienne Dolet recherchait l’immortalité dans la mémoire des hommes.
 
Maintenons sa mémoire vivante.
 
Marcel Picquier
 
Président de l'Association Laïque Lyonnaise
des Amis d'Etienne Dolet
 



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[14] Je renvoie à la lecture édifiante du compte-rendu de la séance du Conseil municipal de Lyon du 4noveembre 1913, publié intégralement dans «  Etienne Dolet 1509-1546 , imprimeur humaniste lyonnais , mort sur le bçucher » par Marcel Picquier, p. 127/158. Cette séance, consacrée au vote d’une subvention de 10 000F pour l’érection d’un monument en l’honneur de Dolet et de la libre pensée, se transforma en nouveau procès de  Dolet où l’on vit l’opposition accabler la mémoire de l’imprimeur qui avait bien mérité son supplice et le maire Edouard Herriot la défendre avec brio, au nom de la majorité républicaine radicale et socialiste .
 
[15] On sait que cette statue, avec beaucoup d’autres ( de Voltaire, Rousseau, Diderot, du Chevalier de la Barre etc…) furent détruites sous le régime de Vichy. Celle de Dolet n’a pas été remplacée malgré les engagements pris à la Libération.
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[4] Qui parlent la langue d’Oil en opposition à ceux qui parlent la langue d’Oc.
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[1] Discours toulousains , p.159 de l’édition et de la traduction  des " Orationes Duae in Tholosam " par   Llyod-Jones Kenneth et Van der Poël
 
[2] Pietro Pomponazzi avait publié en 1516 son œuvre fameuse niant l’immortalité  de l’âme que l’Inquisition fera brûler à Venise. Ce héros de Padoue était mort en 1525  - Dolet arrive dans cette ville en 1526. Il y reste 5 ans.
 
[3] Dolet aura quand même le dernier mot, en faisant de Drusac,  l’horrible et  jaloux Pyralius, abandonné par sa jeune épouse, Rosemonde, au profit du beau chevalier Andro, un… lyonnais ! 
Statue d'Etienne Dolet
place Maubert, à Paris
Marque d'Etienne Dolet
François 1er
Que publie-t-il ? Dolet a besoin  de rentabiliser  son entreprise  (il est endetté, il est  marié et a eu un fils Claude, en1539, il faut payer les compagnons). Ses publications sont donc très diverses. Mais il n’imprime que de la bonne littérature. « Je rejetterai, dit-il,  avec dédain et dégoût les livres arides et froids de quelques vils écrivailleurs qui sont la honte de notre temps ».
 
Ce seront de nombreux livres de médecine (Gallien , Hippocrate…) des classiques grecs ou latins (Sophocle, Térence, Cicéron, César, Virgile …). En 1540, Dolet prend un surprenant virage éditorial en mettant son art et sa plume au service de la langue française. Il va donc publier des livres modernes (« La manière de bien traduire... »,  « L'Enfer »  de Marot, le « Gargantua » de Rabelais, « L’amie de court » de La Borderie et « La parfaite amie » d’Héroet, deux livres à  la mode sur la Querelle des Femmes) , des essais d’histoire, des moralistes, et toute une série de petits livres d’inspiration chrétienne  qui sont d’un bon rapport et de bonne renommée, sauf devant l’Inquisition qui en fera condamner et brûler des éditions entières (des traductions de la Bible, du Nouveau Testament, des Psaumes de David,  des ouvrages de piété d’Erasme, Lefèvre d’Etaples etc).
Dolet va obtenir du Roi François 1er, le 3  mars 1538,  une faveur extraordinaire pour un homme étranger à la corporation de l’imprimerie et qui fera des jaloux : un Privilège d’imprimer pour dix ans.
 
Il choisit la doloire pour enseigne : la doloire est une petite hache qui sert à fendre et à dégrossir les pièces de bois. Dolet l’a choisie parce qu’elle fait jeu de mots avec son nom mais également pour illustrer  sa devise : « Scabra et impolita  admussim dolo atque perpolio » : Je dégrossis – dolo – et polis à la perfection tout ce qui est rugueux et grossier.
 
Il veut être un imprimeur impeccable, ce qu’il sera. Clément Marot, fâché de voir ses œuvres massacrées par des imprimeurs peu consciencieux, confie à son nouvel ami le soin de lui assurer une belle édition.
 
Il lui faut plusieurs années pour s’installer à son compte. C’est l’année 1542 qui sera la plus fructueuse. Il est devenu un véritable chef d’entreprise. Il dispose de trois presses, achetées à crédit, et il emploie une dizaine de compagnons et d’apprentis. Cette année-là, il imprime 42 ouvrages et encore doit-il diriger son imprimerie, à partir de septembre, de la prison de Roanne où l’Inquisition l’a fait enfermer. C’est une production étonnante. Si les persécutions n’avaient pas brisé son oeuvre, nul doute qu’on aurait compté Dolet parmi les tout premiers imprimeurs de son temps, tant par la  qualité des livres imprimés que par leur nombre.
Supplice d'un "hérétique"
Son second discours du 1er janvier 1534 est un véritable manifeste humaniste et politique: s’appuyant sur l’éloge patriotique de la France civilisatrice et sur ce qu’il considère comme son devoir d’orateur – cicéronien, il fait le procès de la ville de Toulouse « impitoyable, inculte, âpre et barbare ». Tout en protestant de son orthodoxie catholique et politique, il dénonce le supplice de Caturce, les persécutions religieuses, prétextes à la répression de la pensée dont il se sait menacé lui-même, comme tous les savants ; enfin, il raille impitoyablement les superstitions des processions catholiques dignes « des barbares de jadis ».
Le voilà devenu un homme suspect pour les pouvoirs publics et l’Inquisition qui ne vont plus le perdre de vue.
LES DISCOURS CONTRE TOULOUSE
 

L’occasion va lui être donnée. Dolet  a justement été choisi comme « Orateur » de leur association par les étudiants de la " Nation » française " [4], chargé de défendre leurs intérêts et privilèges auprès des autorités  universitaires et civiles. Cette fonction qu’il prend très au sérieux, comme s’il était Cicéron lui-même,  va l’amener à  prononcer deux discours si hardis qu’ils lui vaudront la prison dans laquelle Drusac aura la satisfaction de l’enfermer et, après sa  libération rapidement  obtenue par son protecteur et admirateur  Jean des Pins, Evêque de Rieux, l’exil de la ville.
Dans le premier discours, le 9 octobre 1533, il a défendu la liberté d’association que la répression des premiers troubles religieux remet en cause et plaidé pour la tolérance, accusant déjà  les autorités de barbarie.
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La Doloire  Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n° 6 - jan 2005
 

1907
 

Conservé dans les archives du groupe de la Libre-Pensée  de Givors, ce document fait de Dolet  une figure emblématique de la liberté de pensée et de la République laïque.
1907 - Dolet figure emblématique de la Liberté de pensée et de la République
 
 
 
DOLET FIDELE A LUI-MÊME ET A SES VALEURS JUSQUE DANS LA MORT
 
Il s’était voulu orthodoxe en religion comme il se voulait fidèle à son roi. Il s’est dévoué au rayonnement et à la gloire de sa patrie et de la langue française [12]. Par contre il n’a jamais été le catholique orthodoxe qu’il prétendait être, par prudence, quand ses ennemis le traitaient tous d’ « athée ». Non pas parce qu’il aurait été un  partisan secret de la réforme luthérienne ou calviniste. Il n’en voulait pas, autant parce qu’il était, de par sa formation « païenne »,   indifférent aux dogmes et aux disputes théologiques, que parce qu’elle lui paraissait devoir être source de désordres.  Il s’était prononcé – dès ses discours toulousains, opinion dont il ne variera pas – pour «  la loi et la coutume de nos aïeux, consacrée selon les rites sacrés »,  ce qui était, en matière de religion,  une profession de foi politique conformiste, « cicéronienne » et pas du tout chrétienne.
 
Sa volonté d’orthodoxie était impossible parce qu’il ne supportait ni l’intolérance, ni les superstitions, ni les persécutions religieuses, ni la censure de quelque nature qu’elle fût.
Il était en avance sur son siècle, partisan de toutes les libertés, avec « l’espoir en des temps meilleurs », le progrès et la culture devant mettre fin à l’ère des fanatismes et de la barbarie.
 
Qu’il soit resté fidèle à lui-même ne peut faire de doute. Qu’on en juge.
Tout ce qu’il avait écrit en prison a été brûlé avec lui, place Maubert. Nul doute que si ses juges et bourreaux y avaient trouvé des preuves de repentance chrétienne, ils n’auraient pas manqué de le faire savoir. Mais ils n’ont rien obtenu même avec la torture.
 
Les dernières œuvres personnelles que nous lui connaissons [13] sont au nombre de trois.
C’est d’abord l’écriture des contes 1 et 6  des « Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore » -  qui sont un plaidoyer pour la liberté des femmes, leur droit à l’amour, le rêve d’un monde naturaliste dans lesquels les interdits sociaux et religieux auraient disparu (parution anonyme chez l’imprimeur Denys de Harsy  en 1542 ou 1543).
C’est ensuite la traduction dans la prison de Roanne, à l’automne 1542,  des trois premiers livres des « Tusculanes » de Cicéron. Il vient d’être condamné à mort. Il ne cherche pas de réconfort dans la religion mais dans les méditations de son maître pour apprendre  à mépriser la douleur et la mort.
Enfin, la dernière expression de sa pensée d’homme libre, bien que fugitif et traqué, se trouve dans la dernière pièce du « Second Enfer » écrit en 1544. Sa dernière épître  est adressée à ses amis. Il ne les invite pas à prier Dieu pour lui, mais à ne pas désespérer, à croire en la victoire finale de sa « vertu » romaine sur la mauvaise « Fortune » : «  O que Vertu a de puissance ! / O que Fortune est imbecille ! »
 

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[12] Une constante dans son œuvre de la deuxième période : Dolet  va se lancer, avant du Bellay qui lui rendra hommage,  dans le combat pour la défense et l’illustration de la langue française destinée, dans son esprit,  à devenir la langue de civilisation que le grec puis le latin ont été dans le passé. Il n’écrit et n’imprime plus qu’en Français et entreprend une grande œuvre de grammairien ( « L’orateur Français »)  dont il n’aura le temps d’achever que le premier chapitre qui a connu un grand succès : « De la manière de bien traduire d’une langue en aultre ».
 
[13] Indépendamment d’un « Cantique sur sa désolation et sur sa consolation », découvert deux siècles plus tard , en 1779, par Née de la Rochelle dont le manuscrit a disparu. On ne peut rien en conclure.
 
DOLET ET LA POSTERITE
 
Sa mort ignominieuse, la haine calomniatrice et tenace des bien pensants [14] auraient fait disparaître jusqu’au nom d’Etienne Dolet si quelques hommes de lettres courageux, comme Joachim du Bellay ou Guillaume Colletet, ne l’avaient  défendu.  Mais c’est le XIXème s. et les biographies de Joseph Boulmier en 1857 et surtout celle de Richard Copley-Christie en 1880  (traduite en français en 1886 : « Etienne Dolet, le martyr de la Renaissance ») qui vont tirer l’humaniste de l’oubli.
 
La IIIème République, dans les années 1880-1914, va rétablir sa mémoire publique. Une statue d’Etienne Dolet fut inaugurée place Maubert [15], le 19 mai 1889, par le Président du Conseil municipal de Paris, Emile Chautemps, aux cris de « Vive la République », en présence de manifestants républicains, des syndicats ouvriers, en particulier du syndicat du Livre et de nombreuses sociétés de Libre Pensée et maçonniques. C’est dans cette période de laïcisation de l’école publique et des institutions qui allait aboutir à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, c’est dans les combats de l’affaire Dreyfus que «  le martyr de la place Maubert » devint une des figures emblématique de la République, de ses valeurs, de la pensée libre.
LA CHUTE ET LE SUPPLICE
 
Dolet accusera des imprimeurs jaloux  – et qu’il avait brocardés sévèrement leur reprochant ivrognerie,  paresse et  cupidité - d’avoir porté contre lui de faux témoignages. 
 
En fait, depuis Toulouse il est surveillé. Orry a déjà fait condamner et interdire d’affichage deux des premières publications des œuvres personnelles de Dolet, dès 1538. Son procès est rondement mené par l’Official de Lyon. Il est livré au bras séculier le 2 octobre pour être exécuté, convaincu d’être « impye, scandaleux, scismatique, hereticque, faulteur et deffenseur des hereticques et erreurs, pernicieux à la chose publique ». Il est gracié (voir note 8) et quitte la prison de la Conciergerie (son « Premier Enfer ») le 13 octobre 1543.
 
Mais on veut sa mort, faire un exemple : la liberté de conscience est un crime. Il est à nouveau incarcéré le 6 janvier 1544, victime, se plaint-il, d’une provocation : on a trouvé aux portes de Paris un ballot de livres interdits provenant de Genève, portant son nom.
Il réussit à prendre la fuite. Il rédige en exil  « Le Second Enfer », douze épîtres en vers, pour plaider son innocence auprès du Roi et des autorités. Il est repris le 7 septembre, emprisonné à nouveau à la Conciergerie. C’est seulement deux ans plus tard – on a hésité en haut lieu à prendre la décision de tuer l’humaniste -  le 2 août 1546, que le Parlement de Paris le reconnaît « coupable de blasphème [11], de sédition et d’exposition de livres interdits et damnés » et le condamne à être soumis à la torture puis conduit place Maubert pour y être étranglé et brûlé avec ses livres, le lendemain 3 août.
 
C’est le jour anniversaire de sa naissance, il a  37 ans.
 

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[11] Les Docteurs de la faculté de théologie de la Sorbonne n’ont-ils pas découvert qu’il a commis le crime de  nier l’immortalité de l’âme, dans la traduction d’un texte attribué à Platon, en écrivant : «  Après la mort tu ne seras plus rien du tout », alors qu’il aurait fallu dire : «  Après la mort tu ne seras plus ». Trois mots de trop ? Douze Docteurs de la Sorbonne assistèrent à la séance de torture du 3 août 1546, mais sans rien obtenir du supplicié.
DOLET IMPRIMEUR
 
Il faut vivre et il ne dispose d’aucune ressource régulière. Il est correcteur chez Gryphe où il a eu vite fait de se lier d’amitié avec Guillaume et Maurice Scève,  des médecins de l’Hôpital du Rhône - il éditera certains d’entre eux, quelques années plus tard -  parmi lesquels François Rabelais, Clément Marot, « le prince des poètes », d’autres correcteurs comme Bonaventure  Des Périers et  des compagnons, futurs maîtres-imprimeurs eux-mêmes, comme Jean de Tournes ou ce Vincent Pillet qui sera l’un des délégués ouvriers dans la grande grève de l’imprimerie, lyonnaise des années 1539 et suivantes [7].
 
Il a évolué : ses mésaventures toulousaines, la découverte des  capacités de l’imprimerie à diffuser les idées lui ont fait comprendre que l’art oratoire cicéronien n’est pas l’arme du XVIème s. C’est l’imprimerie. Elle est devenue une arme si puissante que la Sorbonne en a même demandé l’interdiction. L’émule de Cicéron sera imprimeur, ce qui lui garantira des moyens d’existence et lui donnera «  la liberté quasi-totale de publier tout ce qu’il juge digne de l’être », selon le mot de Claude Longeon [8].
 
Il se met en avant,  prend des initiatives : en 1536, il fait imprimer chez François Juste un « Recueil de vers latins et vulgaires sur le trépas de Monsieur le Dauphin » [9] : il rédige l’épître au lecteur et y contribue de quatre poèmes ; il n’est arrivé à Lyon, parfaitement inconnu, que depuis deux ans mais il réussit le tour de force de rassembler les contributions de dix-neuf littérateurs, dont Clément Marot, Maurice Scève  et celle de Pierre Du Chatel [10], un théologien. Il y a de l’opportunisme dans cette publication.
 


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[7] Dolet était doué d’un grand pouvoir de séduction intellectuelle et avait constitué autour de lui un  groupe d’amis dévoués qu’on appellera la « Sodalitas doleti » , dont l’historien Daniel Rops jugeait, qu’il était «  le seul groupe antichrétien inquiétant de l’époque ».
 

[8] Les études dolétiennes doivent beaucoup à Claude Longeon dont le nom a été donné à un Institut de l’Université de Saint-Etienne . C’est lui qui a fait découvrir à son ami le Professeur Gabriel Pérouse, éditeur des « Comptes amoureux par Mme Jeanne Flore » en 1980, qu’Etienne Dolet devait être l’auteur inattendu de deux des sept contes du recueil.
 
[9] Le Dauphin était mort brutalement au château de Tournon. Il est probable que la publication de Dolet avait eu les faveurs du Cardinal de Tournon qui, la même année 1536, avait fondé le Collège de Tournon, qui était alors favorable aux humanistes et qui deux ans plus tard présentera Dolet à François 1er pour lui faire obtenir son fameux Privilège d’imprimeur.
 
[10] C’est Du Chatel, ami fidèle que Dolet avait rencontré chez Sébastien Gryphe, qui, devenu évêque et lecteur royal, obtiendra la grâce de Dolet en 1543, après sa première condamnation à mort pour hérésie prononcée par l’Inquisition lyonnaise. Cette intervention lui sera reprochée violemment par le Cardinal de Tournon qui, entre temps, était devenu l’ennemi des humanistes accusés de nourrir la réforme et la sédition.
 

 



Dolet et la postérité
Dolet fidèle à lui-même et à ses valeurs jusque dans la mort
la chute et le supplice
Dolet imprimeur
 
 
Les discours contre Toulouse
Dolet à Lyon
 
Les années de formation
BIOGRAPHIE
Médaillon B.M Toulouse
Photo jcDolet
Plaque au 56 rue Mercière
à Lyon - photo jcDolet
Ces deux derniers ouvrages sont certes destinés par leur auteur qui en est très fier à le faire reconnaître comme un des leurs par les grands humanistes mais ce sont aussi des œuvres de combat.
Défendre Cicéron et la pureté de la langue latine contre Erasme qui ne retient de la culture classique que ce que le christianisme peut en assimiler  et qui, en outre, prétend adapter le latin au monde moderne,  c’est défendre l’héritage culturel de l’antiquité. Dolet sépare le domaine de la philosophie de celui de la théologie. Il se positionne du côté du progrès, de «  la laïcisation de la pensée » [5] .
 
Les « Commentaires sur la langue latine » sont un énorme travail d’érudition, à la façon d’un dictionnaire dont l’intérêt, pour nous, réside dans les digressions dans lesquelles Dolet s’exprime librement : il est enthousiaste devant les progrès de la civilisation sous la Renaissance : « une armée d’érudits » a mis les barbares en déroute.  « Il ne nous manque rien si ce n’est l’antique liberté de penser ».  Mais il est persuadé que l’éducation humaniste va changer le monde, parce que les rois vont prendre les philosophes pour ministres. Des illusions certes, et déjà le langage des libertins et des philosophes des deux siècles suivants, mais  pas la moindre référence religieuse dans ces pages d’utopie politique. Erasme avait compris le danger de la liberté de pensée : «  La nouvelle secte des cicéroniens n’est pas moins redoutable que celle des luthériens » ? [6]
 
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[5] Se  reporter à l’édition savante de Telle Emile-V, Droz, Genève , 1974 de l’Imitation de Cicéron, contre Erasme.
 
[6] Telle Emile –V p. 38
DOLET A LYON
 
Fuyant Toulouse, Dolet arrive à Lyon le 31 août 1534, où il  trouve ce dont il a besoin : un refuge et un imprimeur. Un refuge, parce que Lyon, ville bourgeoise, commerçante, sans Parlement ni Faculté de théologie, est moins surveillée que Toulouse ou Paris. Un imprimeur parce que le jeune érudit – il n’a que 25 ans - apporte dans ses bagages trois manuscrits latins à publier d’urgence.
Ils seront imprimés par le généreux Sébastien Gryphe à qui Dolet s’était présenté avec une lettre de recommandation de Boyssonné :
- Les deux discours contre Toulouse (Orationes duae in Tholosam) sortent des presses  moins de six semaines après son arrivée à Lyon, tellement  Dolet a hâte de régler ses comptes avec ses ennemis de Toulouse assimilés aux ennemis du progrès et de la civilisation.
- Le dialogue sur l’imitation de Cicéron contre Didier Erasme d’Amsterdam (Stephani Doleti dialogus, De imitatione Ciceroniana, adversus Desiderium Erasmum Roterodamum) suit en  1535.
- Les Commentaires sur la langue latine (Commentariorium linguae latinae) en 1536.
LES ANNEES DE FORMATION
 

Il est né à Orléans le 3 août 1509 . On ne sait rien de ses parents sauf ce qu’il en dit, qu’ils appartenaient à « une famille de qualité honorable et fort remarquable »  [1]. De 12 à 17 ans, au collège à Paris il découvre  Cicéron. Il part pour Padoue, ville universitaire italienne aussi libre que savante ; l’enseignement y est fort peu chrétien, panthéiste sinon matérialiste [2] ; Cicéron y est, pour beaucoup, l’alpha et l’oméga de toute connaissance. Sous la direction d’un maître admiré, Simon de Villeneuve, dont il révèrera la mémoire, l’étudiant devient un érudit dont Cicéron, modèle idéal, est la religion. A la mort de Villeneuve, en 1531, il devient secrétaire, à Venise, de l’évêque et ambassadeur Jean de Langeac, qui, à leur retour en France, le fait   inscrire à la faculté de droit de Toulouse  pour lui assurer une carrière. 
Mais Toulouse n’est pas Padoue. La ville est le siège de l’Inquisition. Et dans les années 1530 la chasse à l’hérésie luthérienne  y a commencé : en 1532,  le professeur Caturce a été brûlé vif avec vingt-deux autres hérétiques, événement retentissant dont Rabelais s’effraiera. Un autre  professeur, humaniste de renom, Jean de Boyssonné, bientôt  ami fidèle et bienfaiteur de Dolet, n’échappe à la mort qu’en se soumettant à une amende honorable humiliante.
Alors débute la vie publique d’Etienne Dolet. Ses déboires ne vont pas tarder.
Il se jette dans la « Querelle des  Femmes »,  sujet d’actualité,  en prenant leur parti : elles avaient été grossièrement offensées dans l’ouvrage misogyne qui circulait à Toulouse : « Controverses des sexes masculin et féminin » de  Gratien du Pont, Sieur Drusac.  L’étudiant ridiculise l’auteur, ce dont les dames toulousaines lui seront reconnaissantes,  sous les traits d’un vieillard répugnant et impuissant, dans six épigrammes saignantes … Mais Drusac , Lieutenant de la Sénéchaussée, chef de la police, se vengera. [3]
La mémoire d’Etienne Dolet est en train de renaître. A l’initiative de l’Association Laïque Lyonnaise des Amis d’Etienne Dolet, le 4 juin 2005, une plaque commémorative a été naugurée au 56 rue Mercière, à Lyon. Une thèse en Sorbonne a été défendue en novembre 2006. Une nouvelle biographie a paru en 2009, un timbre a été édité en juillet 2009, un colloque s'est tenu en novembre 2009. Mais le savant imprimeur humaniste est encore très largement méconnu. Quelques repères.
ETIENNE DOLET
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