La maquette, amputée du gibet derrière le supplicié, peut encore se voir au musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt (photo ci-dessus - J C Dolet).
Ainsi, la ville de Paris fut privée d’un monument Dolet, ce qui, on peut le soupçonner, était l’effet recherché.
A Lyon, Dolet n’avait pas eu plus de bonheur en 1915. Déjà, en 1879 (2), l’attribution de son nom à l’ex-rue des Moines, avait déchaîné la colère des historiens et journaux lyonnais catholiques bien pensants, traitant, entre autres amabilités, Dolet de voyou-assassin et les élus municipaux républicains d’imbéciles-ignorants.
Mais dans les années 1900, les libres penseurs de la majorité municipale d’Edouard Herriot font voter une subvention de 10 000 F pour l’érection d’un monument en l’honneur de DOLET et de la Libre Pensée. La droite cléricale mène bataille ouverte1. Les choses avancent cependant. Tout est prêt pour l'installation du monument place Jean Macé. En juin 1914, l'architecte de la Ville et Botta, l’auteur d l’œuvre, déterminent son implantation précise. Le monument n'a jamais été érigé ni en 1915, ni plus tard.
On ne sait même pas ce qu’il a pu devenir, ni sa maquette.
La guerre de 1914 et l’Union sacrée avec l’Eglise auraient ainsi permis que le monument soit probablement anéanti. Il n’en existe aucune preuve mais on ne peut guère avoir de doute sur le rôle des ennemis de Dolet dans l’opération.
A la place du monument Dolet, place Jean Macé, les lyonnais peuvent apercevoir (photo ci-contre, d’Anne-Marie Callamard) une statue de décoration de jardin, en béton, sans signification.
La guerre de 1939-45 a autorisé un autre attentat contre la mémoire de Dolet. L’artiste Vincent Fontan avait réalisé la commande d’un buste en marbre de Dolet. Déposée au musée des Beaux Arts en 1901, l’œuvre fut remise et enregistrée au musée Gadagne en1935. Le buste monumental de 200 ou 300 kilogrammes a lui aussi disparu mystérieusement pendant la guerre. Nous ne connaissons aucune photo ou image du buste. Du travail bien fait !
Jusqu’à la création en 2000 de notre association, il n'a plus été question de Dolet à Lyon.
Nous avons fait beaucoup pour faire revivre la mémoire de Dolet : les nouvelles plaques de la rue Dolet en 2004, la plaque Mercière en 2005, des conférences, la campagne pour obtenir le timbre commémoratif en 2009, le livre, la même année ainsi que notre participation au colloque universitaire international avec l’exposition Dolet à la BM, l’Anthologie en 2016. La DOLOIRE en est à son 31ème numéro.
Mais un jour un Directeur des Services de la mairie a décrété crûment : C’est fini, la municipalité a fait assez pour Dolet ! Depuis cet aveu (?) la municipalité jusqu’alors favorable à nos initiatives a changé d’attitude. Les propos tenus par les élus parlent encore avec éloge de l’imprimeur mais jamais de l’humaniste assassiné par l’Inquisition.
Il est vrai également que M. Collomb s’est rapproché de l’Eglise, c’est sa liberté d’opinion. Mais que M. le Maire de Lyon s’affiche auprès de l’archevêque et en pèlerinage auprès du pape, c’est en contravention avec la loi de 1905. Cela explique-t-il son éloignement d’une association, comme la nôtre, liée à la Libre Pensée ?
(1) Valérie Da Costa, Revue du Louvre 3-2000
(2) Etienne Dolet, 1509-1546, imprimeur humaniste mort sur le bûcher - 2009, Marcel Picquier - p188-189
(3) Idem – p : 185 - Dolet à Lyon ; p271 : Procès verbal du Conseil municipal du 4 novembre 1913