La Doloire Bulletin de l'Association Laïque Lyonnaise des Amis d'Etienne Dolet - n°20 - nov 2012
HOMMAGE A MAX SHOENDORFF
Max Schoendorff était un ami de notre association. Lors de notre première rencontre, il s’était plu à me rappeler la fameuse page d’André Breton dans Nadja sur la statue d’Etienne Dolet : « …la statue d’Etienne Dolet, place Maubert, m’a tout ensemble attiré et causé un insupportable malaise… ».
Il m’avait reçu récemment. Je venais solliciter les conseils d’un homme habitué à mener combat.
Il s’était montré peu surpris des obstacles rencontrés dans notre projet de monument. N’avait-il pas écrit dans le bulletin de l’URDLA (2003) :
« Lyon, soudain si fier de son patrimoine renaissant, ne rend pas toujours respect aux humanistes qui l’ont bâti. Comme Sébastien Gryphe ou Jean de Tournes. Marcel Picquier s’est fait l’historien et éditeur pour raconter le destin tragique d’Etienne Dolet, imprimeur et éditeur de Marot, de Rabelais, grand latiniste, défenseur de la langue française, militant du droit d’association, et plaider à Lyon reconnaissance […] L’URDLA et ses amis s’associent chaleureusement ( ! ) au combat de Marcel Picquier ».
Son conseil était d’être ferme avec les puissants et audacieux dans nos entreprises.
---------------------
A la nécrologie parue dans Le Progrès du 21 octobre, au lendemain de sa mort, nous joignons, avec son autorisation, la péroraison de l’allocution prononcée par Patrice Béghain, au cours des obsèques : ce sont des paroles qui concernent aussi les amis d’Etienne Dolet.
« Mais l’œuvre de Max, aujourd’hui achevée, ne nous implique pas seulement dans notre humanité, elle nous concerne dans notre citoyenneté. Max connaissait ce texte qu’écrivait en 1933 René Crevel, poète suicidé : « Par un bond en avant l’hypothèse du poète aussi bien que celle du savant se proposent de rejoindre et d’éclairer la nécessité aveugle tant qu’elle n’est pas connue. Or, de nécessité aveugle en nécessité connue, de fil noir en aiguille de feu, il ne semble pas que la culture puisse atteindre jamais le terme de sa course…Que de têtes fracassées, d’yeux crevés, de membres arrachés, que d’effondrements, de livres brûlés, de tableaux condamnés, de sculptures brisées. Plus que jamais la grandeur d’une œuvre apparaît fonction du pouvoir de lutte de son auteur. »
Sur sa tombe André Breton a souhaité qu’on inscrive « Je cherche l’or du temps ». Aujourd’hui Max pour l’éternité cherche l’or du temps. Dans un entretien, à l’occasion de l’exposition en 2008, à la galerie Mathieu, des neuf Autoportraits peints, de dos, en 1998, Max déclarait : « Ça ne veut pas dire que je vous tourne le dos. Je vous invite à regarder dans la même direction que moi. » Ce qui nous réunit ici, ce matin, je l’espère, c’est que nous partageons la même conviction que les poètes, les philosophes, les savants et les artistes nous indiquent la direction dans laquelle il nous faut regarder, pour que l’homme advienne. Oui vraiment, « plus que jamais la grandeur d’une œuvre apparaît fonction du pouvoir de lutte de son auteur. »