Le 27 octobre 1553, le savant mathématicien, médecin et théologien rebelle Michel Servet , d’ origine espagnole, fut brûlé à Genève sur l’ordre de Calvin pour avoir nié le dogme de la Trinité. « Ce chaos prodigieux de blasphèmes ne mérite aucun pardon », avait décidé le charitable Calvin. L’inquisiteur français catholique, le frère dominicain Mathieu Ory - grand ennemi de Dolet et pourchasseur d’hérésie - à qui Calvin avait transmis des documents compromettants pour accabler Servet, quand il était encore emprisonné à Vienne, n’avait pu faire brûler Servet qu’en effigie, le prisonnier ayant pu s’évader de sa prison. Calvin avait achevé la sale besogne.
« La Tribune de Genève » du 3 août 2009 a consacré une page à cette tragédie avec le souci d’exonérer les héritiers de Calvin du forfait : « Cet éternel retour de Servet dans le débat d’idées aboutira logiquement, en 1903, au monument expiatoire de Champel. L’espagnol aura sa rue.Une chose inconcevable ailleurs. A ce qu’on sache, la France n’en a accordé aucune à Etienne Dolet ».
Difficile d’être plus « faux-cul » ! Le supplice de Servet ne résulte que d’un « débat d’idées » ! Le journal a pris soin d’avancer, en titre : « L’Espagnol et Jean Calvin s’opposaient sur la Trinité. Un sujet dangereux à l’époque ! » Ah ! si Servet avait bien voulu se censurer ! Quant au monument de Champel, c’est un autre moyen qu’ont trouvé de pieux calvinistes pour tenter de cacher une tâche indélibile. Sur une pierre de granit le supplice de Servet est bien rappelé mais commenté de ces mots : « Fils respectueux et reconnaissants de Calvin, notre grand Réformateur, mais condamnant une erreur qui fut celle de son siècle, et fermement attachés à la liberté de conscience, selon les vrais proncipes de la réformation et de l’Evangile, nous avons élevé ce monument expiatoire ».Inutile de commenter ; le crime n’est plus qu’une « erreur ». Pour finir, le mensonge devient à son tour monumental : en France Dolet n’aurait pas eu même une rue ? Honte à la République laïque ! Une mise au point précise a été envoyée au journal : « Pour s’en tenir à la période moderne, depuis l’instauration de la IIIème République, Dolet a été mis à l’honneur. La ville de Paris a inauguré le 19 mai 1889 un beau monument commémoratif (...) Des centaines de villes ont donné son nom à une rue ou à une place entre 1880 et 1910(...) L’association au nom de laquelle je vous écris (...) vient d’obtenir un timbre de La Poste à l’occasion du 500 ème anniversaire de sa naissance. » Le quotidien génevois n’a tenu aucun compte de la lettre.
Heureusement pour la mémoire de Servet, de l’autre côté de la frontière, à Annemasse, a été érigé un véritable monument à la mémoire du martyr, il y a un siècle. La Fédération départementale de la Libre Pensée de Haute-Savoie et l’Association dela Libre Pensée de Genève appellent à un rassemblement ce 27 octobre au pied de la statue de Servet, rassemblement que soutiennent les Amis d’Etienne Dolet : « Aujourd’hui comme hier, les libres penseurs perpétuent la mémoire de Michel Servet, ils commémorent son supplice car l’exemple de Michel Servet symbolise le combat toujours actuel des Lumières et des connaissances qui émancipent l’individu contre l’obscurantisme et les superstitions qui l’asservissent. Michel Servet symbolise le combat pour la liberté de conscience, la liberté de penser librement et d’exprimer ses idées. Cette liberté ne peut s’exercer que par une séparation stricte des Eglises etr de l’Etat : en France, la laïcité c’est la loi de 1905 qui a abrogé le Concordat et dont les deux premiers articles stipulent : Art 1 : La République assure la liberté de conscience ... Art. 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. »